Lasseran, samedi 15 février 2020, 10h00 :

La journée s’annonce magnifique, le temps est superbe, le soleil dont la chaleur tiède nous réchauffe timidement est déjà éblouissant en cette matinée de mi-février. Atmosphère presque printanière, par-ci par-là quelques jonquilles en fleur.
Les Pyrénées, en toile de fond semblent si proches que l’on pourrait les toucher …

Tu es là toi, dans ce cercueil fait de planches au bois clair, devant l’entrée de la petite église.
Nous t’entourons, frappés tous autant que nous sommes par l’annonce de ton décès, si brutal qu’il nous laisse assommés, tristes et impuissants.
Nous sommes nombreux à être venus, à avoir voulu être à tes côtés, et venir embrasser Marie-Claude et vos enfants.
Une foule de souvenirs m’assaillent soudain, ils se bousculent, je les pensais effacés, presque oubliés, ils ressurgissent un à un…
Comme un flash-back, il y a cette journée de juin 2018 où tu nous avais fait le plaisir d’être parmi nous pour les 30 ans du GAS. Nous nous étions accordés un déjeuner à la terrasse du Darolles. Comme les deux seniors que nous sommes, trop vite hélas devenus, nous avions évoqué quelques souvenirs et, le délicieux vin rouge aidant, la mémoire nous était revenue…
Tout d’abord avec nos camarades lectourois, les GRANDS trous gersois, le « Pont du Diable » entres autres, ainsi que les entrainements en falaise à Saubole.
Les virées à La Coume ensuite, et ses inévitables classiques : le « Raymonde », le « Mile », le « PDG », « Penne Blanque » et autre « Commingeois »…
Cette sortie à la « Henne Morte », et l’attente que tu avais dû endurer de nuit, dans le froid et la neige, à faire les cent pas et à te « peler les miches » à l’entrée du gouffre, nous attendant, le Beauf’, Jean et moi, qui remontions « tranquilles » en déséquipant méthodiquement… On t’avait retrouvé frigorifié : « Putain de milledieu qu’est-ce que vous foutiez !? »
Comme bien souvent, tu avais choisi de remonter en premier et « à fond la caisse », pensant qu’on te suivrait au même rythme… La trop fine épaisseur de ta sous-combi n’avait pu, dans cette nuit d’hiver, te tenir chaud bien longtemps,  grelottant, pestant après nous ! On en rit encore !

De retour à la voiture, le traditionnel feu de camp de Christian avait su dissiper la fatigue, le froid et l’inconfort subis sous terre pour laisser place comme toujours au plaisir d’être ensemble. C’est ce même plaisir qui nous faisait braver le froid et l’humidité, partageant la fatigue tout comme la tasse de thé bien chaud ou le potage lyophilisé insipide mais tellement réconfortants quand tu te trouves encore à -500 et à plusieurs heures de la sortie.

Ces putains de kits, toujours trop lourds et encombrants : « Bordel de merde, il s’est encore coincé ce con !! »

Les sorties à La Coume se terminaient généralement dans ce petit café d’Arbas, celui avec la grande cheminée au beau feu de bois réconfortant, où, pour recharger les accus et reconstituer les sels minéraux perdus, on s’accordait une mousse qui en principe était toujours suivie d’une deuxième… Ne jamais repartir sur une seule patte !

Avec toi Daniel ce fût aussi,  bien-sûr, les nombreux week-ends à La Pierre. Nos arrivées dès le vendredi soir chez Madeleine dans la 305 break du Beauf’.

Les décollages au petit matin, chargés comme des mulets en direction du tunnel de la Verna. Au passage, saluer Dominique, blaguer 5 mn la radio en basque en fond sonore.
On plongeait une fois arrivés, dans Arphidia, le Chaos du Baron, Accoce, la Queute du Brun « putain d’étroiture »… et bien au-delà encore…
Ou bien La Verna, Aranzadi, les Grandes Salles jusqu’au Lépineux, guidés par Joël organisateur né et mémoire vivante de La Pierre pour le GAS.

Rappelle-toi Daniel de cette traversée en décembre 88 à partir de  la Tête Sauvage, notre arrivée au gîte, harassés de fatigue, et le trouvant occupé par 50 californiennes !!
Nos retours, en milieu de  nuit, chez Madeleine se faisaient autours des légendaires bolognaises du Beauf’, « à s’en faire péter la sous ventrière » !
Le dimanche midi Dominique nous offrait le Ricard aux généreuses et épaisses doses « à couper au couteau ». Puis c’était le retour vers Auch, tous somnolents autant les uns que les autres.

Daniel, avec toi La Pierre ce fut aussi les camps à Marmitou, au sein d’Amalgame avec nos amis Tarbais. L’ « UK 557 », les désobs au fond de la « Sima Beauf », les prospections sur ce désert brulant qu’est d’Ukerdi en plein mois d’août.
Les soirs passés autour du grand feu proche du cayolar et de nos tentes.
Les souvenirs sont si nombreux dans lesquels tu es présent. Comme cette classique au Gouffre de L’oule, où le « hasard » de l’équipement du puits nous avait réservé un « passage de nœud » pile-poil sous la cascade glacée… Les beautés et les nombreuses nuances du marbre n’avaient que très difficilement atténués la douche froide que nous venions de subir, toi, Jean et moi…

Rappelle-toi également de « Coume Nère » à St Bertrand de Comminges où nous avions consacrés quelques week-end d’affilés, et cette humble « première », cette salle tout au fond de la galerie supérieure, les sorties désob’ successives avaient permis de venir à bout du boyau merdique, gras et étroit débouchant sur cette toute petite cavité. Tu étais accompagné de ton petit garçon Gaël, il faisait des aller-retour faciles, nous narguant par sa taille fluette.
Et puis toutes ces sorties initiation, dont il m’est impossible de me remémorer le nombre, où nous avons accompagnés les jeunes recrues, avenir du club.
Enfin le canyoning devait à son tour nous apporter de nouveaux plaisirs. Son côté ludique, ses plongeons et toboggans dans les eaux turquoises, sa pratique à la chaleur du plein soleil d’été, loin du froid et de l’inconfort souterrain… Le premier fût le « Consusa », suivi des somptueux canyons de la Sierra. Ils ont su nous réunir eux aussi, et nous donner ce plaisir de nous retrouver entre potes.

C’est lors d’une de ces sorties que tu nous as présenté un de tes collègue de boulot : Kiki ! qui allait devenir un des piliers du club.
Comment parler de toi Daniel, sans évoquer la musique et l’importance qu’elle  représentait. De celle qui a bercé notre adolescence : Led Zepp, AC /DC, ZZ Top, Motoread, Black Sabbath, Patti Smith et tant d’autres… Ce concert de Trust à Toulouse nous avait fortuitement réunis, une mousse ou deux partagées ensuite sur le parking.

Juin 2018 :
Lors de ce repas à la terrasse du Darolles, on s’était donné nos numéros de portables, se promettant de se rappeler, très vite bien sûr.
On se l’était promis oui… mais comme toujours la vie fait de nous ce qu’elle veut. Nous reportons trop souvent à plus tard « l’appel à un ami », les excuses sont toujours très bonnes : « pas le temps », « peur de déranger ».
Les occasions qui pourraient permettre à notre spontanéité de s’exprimer laissent trop souvent la place au silence, à la distance, au  « je le ferais mais pas aujourd’hui, demain sans faute… » et puis un jour il est trop tard.
On s’aperçoit qu’on a raté un arrêt, une pause dans notre vie, pas si prenante qu’on voudrait bien le laisser croire.
Un jour, ce camarade, cet ami, n’est plus là.
Les souvenirs partagés ne resteront désormais, et à jamais, que des souvenirs, justement.
Ils feront toujours sourire certes, mais avec ce petit goût d’amertume laissé par l’absence.

Chère Marie-Claude, chers Gaël, Priscilla, Pierre et Clémence, Daniel fut le camarade et le compagnon de sorties idéal. Agréable et toujours motivé, compagnon joyeux usant d’humour et de plaisanteries, agrémentant chacune de nos virées par sa présence, par son entrain.
Merci Daniel d’avoir été là.
Merci de nous avoir donné ton amitié, partagé un peu de ton temps.
Reste en paix pour toujours, et là-haut, explore pour nous le plus grand nombre d’étoiles qu’il te serra possible, afin qu’à notre tour nous en ayons les yeux noyés, en pensant à toi.

Frédéric